LE HERON
Un jour, sur ses longs pieds, allait, je ne sais où,
Le héron au long bec emmanché d'un long cou:
Il côtoyait
une rivière.
L'onde était transparente ainsi qu'aux plus beaux jours;
Ma commère la carpe y faisait mille tours
Avec le
brochet son compère.
Le héron en eut fait aisément son profit:
Tous approchaient du bord; l'oiseau n'avait qu'à prendre.
Mais il
crut mieux faire d'attendre
Qu'il
eut un peu plus d'appétit:
Il vivait de régime, et mangeait à ses heures
Après quelques moments, l'appétit vint: L'oiseau
S'approchant du bord, vit sur l'eau
Des tanches qui sortaient du fond de ces demeures.
Le met ne lui plût pas; il s'attendait à mieux,
Et
montrait un goût dédaigneux
Comme
le rat du bon Horace.
"Moi, des tanches? dit-il ; moi héron que je fasse
Une si pauvre chère? et pour qui me prend-t-on?"
La tanche rebutée, il trouva du goujon.
"Du goujon ! c'est bien là le dîner d'un héron !"
"J'ouvrirai pour si peu le bec ! aux dieux ne plaise !"
Il l'ouvrit pour bien moins : tout alla de façon
Qu'il
ne vit plus aucun poisson.
La faim le prit; il fut tout heureux et tout aise
De
rencontrer un limaçon.
Ne soyons pas si difficile;
Les plus accommodants, ce sont les plus habiles;
On hasarde de perdre en voulant trop gagner.
Gardez-vous de rien dédaigner,
Surtout quand vous avez à peu près votre compte.
Bien des gens y sont pris. Ce n'est pas aux hérons
Que je parle; écoutez, humains, un
autre conte:
Vous verrez que chez vous j'ai puisé ces leçons.
Jean de la Fontaine
Livre VII Fable 4
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Fait par Eloïse ( 10 ans ) avec Paint le 28 novembre 2004 |